Zones à Faibles Émissions : vers une refonte plutôt qu’une disparition ?

Actualité du 17/10/2025

La suppression des Zones à Faibles Émissions (ZFE) en France, bien qu’adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en juin 2025, reste une décision suspendue dans l’attente de plusieurs étapes législatives et juridiques. Le projet de loi de simplification de la vie économique, qui inclut cette mesure controversée, doit encore passer par une commission mixte paritaire (CMP) chargée de concilier les versions divergentes votées par l’Assemblée et le Sénat. Ce processus pourrait aboutir à une suppression définitive des ZFE, mais rien n’est encore joué.

Les ZFE, instaurées pour limiter la circulation des véhicules les plus polluants dans les grandes agglomérations, ont été mises en place dans plus de 40 zones urbaines françaises. Elles reposaient sur le système de vignettes Crit’Air, classant les véhicules selon leur niveau d’émissions. Leur objectif était clair : améliorer la qualité de l’air, réduire les émissions de particules fines et respecter les normes européennes de pollution. Selon Santé publique France, la pollution de l’air est responsable de près de 40 000 décès prématurés chaque année.

Cependant, la suppression des ZFE soulève de nombreuses interrogations. D’un point de vue juridique, le Conseil constitutionnel pourrait invalider cette mesure en la qualifiant de « cavalier législatif », c’est-à-dire une disposition sans lien direct avec l’objet principal du texte de loi. Cette hypothèse est sérieusement envisagée par le gouvernement, qui voit dans cette voie une opportunité de préserver les engagements environnementaux de la France.

Sur le plan européen, les conséquences pourraient être lourdes. Une note de la Direction générale du Trésor estime que la suppression des ZFE pourrait entraîner la perte de plus de 3 milliards d’euros d’aides européennes, notamment dans le cadre du Plan national de relance et de résilience (PNRR). La Commission européenne pourrait considérer cette suppression comme une rupture d’engagement, mettant en péril les versements futurs et exposant la France à des sanctions financières.
Face à cette incertitude, les collectivités locales conservent la possibilité de mettre en œuvre des dispositifs alternatifs. Parmi eux, les Zones à Trafic Limité (ZTL), inspirées du modèle italien, permettent de restreindre l’accès à certaines zones urbaines à des catégories spécifiques de véhicules : riverains, transports en commun, services d’urgence, etc. Ces zones, déjà expérimentées à Lyon, Paris ou Grenoble, offrent une flexibilité plus grande, mais suscitent également des critiques sur leur complexité et leur impact sur la mobilité.

D’autres alternatives émergent, comme la tarification différenciée du stationnement, qui consiste à moduler les prix selon le niveau de pollution des véhicules. Cette mesure, jugée plus équitable socialement, pourrait inciter les automobilistes à opter pour des véhicules moins polluants sans imposer d’interdictions brutales. Certaines villes envisagent également des Zones de Livraison Apaisée (ZLA), excluant progressivement les véhicules thermiques des opérations de livraison en centre-ville.
Le débat sur les ZFE révèle une tension croissante entre impératifs écologiques et justice sociale. Si les ZFE ont permis une réduction mesurable des émissions de NOx et de CO2, leur mise en œuvre a été critiquée pour son impact sur les ménages modestes, souvent contraints de conserver des véhicules anciens faute de moyens pour en acquérir de nouveaux.

En définitive, la suppression des ZFE ne marque pas la fin des politiques de lutte contre la pollution urbaine, mais plutôt une redéfinition des outils à disposition des collectivités. Le dialogue entre élus, citoyens et institutions européennes sera déterminant pour construire une transition écologique plus juste, plus souple et mieux acceptée.

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