Le Morbihan a franchi un cap important dans sa politique de mobilité en décidant de relever la limitation de vitesse à 90 km/h sur 344 kilomètres de routes départementales, soit 8,5 % de son réseau. Cette mesure, loin d’être un simple retour en arrière, s’inscrit dans une démarche réfléchie, fondée sur des critères techniques, des données d’accidentalité et une concertation territoriale approfondie.
Depuis l’instauration nationale du 80 km/h en 2018 sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, le débat sur son efficacité n’a jamais cessé. Si certains départements ont maintenu cette limitation, d’autres, comme le Morbihan, ont préféré réévaluer la situation à l’aune de leur propre réalité. Le Conseil départemental a ainsi mené une analyse rigoureuse, prenant en compte la fréquentation des axes, leur configuration, la présence d’infrastructures cyclables, et surtout les statistiques d’accidents graves et mortels entre 2017 et 2022.
Parmi les tronçons concernés figurent des axes structurants comme la D5 entre Bohal et Questembert ou la RD 766 de Ploërmel à Mauron. Ces routes, souvent larges de plus de 6 mètres et fréquentées par plus de 2 500 véhicules par jour, ont été jugées aptes à supporter une vitesse plus élevée sans compromettre la sécurité. Le coût de cette opération, estimé à 180 000 euros, inclut la pose de nouveaux panneaux et une campagne de sensibilisation ciblée sur les zones maintenues à 70 km/h.
Ce retour partiel au 90 km/h ne signifie pas un relâchement des exigences en matière de sécurité routière. Au contraire, le département prévoit l’installation de radars pédagogiques et de panneaux de sensibilisation pour rappeler les limitations en vigueur et encourager des comportements responsables. Le président du Conseil départemental, David Lappartient, a d’ailleurs insisté sur la nécessité de respecter strictement les limitations, quelle que soit leur valeur.
Sur le plan national, cette décision s’inscrit dans une tendance plus large. En 2025, plus de la moitié des départements français ont déjà rétabli le 90 km/h sur tout ou partie de leur réseau secondaire. Ce mouvement est soutenu par l’association "40 millions d’automobilistes", qui considère que la mesure des 80 km/h n’a pas produit les effets escomptés sur la mortalité routière. Selon elle, les statistiques d’accidents n’ont pas significativement évolué depuis l’abaissement de la vitesse, et le retour au 90 km/h n’a pas entraîné de hausse notable de l’accidentalité.
Cependant, cette position est loin de faire l’unanimité. L’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) a estimé que la réduction de la vitesse moyenne de 5 km/h grâce au 80 km/h aurait permis d’épargner entre 350 et 400 vies par an. Ce chiffre, bien que contesté par certains, souligne que la vitesse reste un facteur aggravant en cas d’accident.
Le cas du Morbihan illustre bien la complexité du débat : entre impératifs de sécurité, besoins de mobilité, attractivité territoriale et acceptabilité sociale, les décisions doivent être nuancées et contextualisées. Le retour au 90 km/h n’est pas une généralisation aveugle, mais une adaptation ciblée, fondée sur des données concrètes et une volonté politique de concilier sécurité et efficacité.